Fintech et inclusion : comment la tech change la donne financière

jeune entrepreneur utilisant une application financière sur un smartphone, dans un cadre informel

Quand la technologie devient levier d’accès

Pendant des décennies, le système bancaire traditionnel a laissé des millions de personnes sur le seuil : pas de compte, pas de crédit, pas d’assurance, pas de perspectives. Trop éloignés, trop jeunes, trop précaires, trop ruraux… Aujourd’hui, un vent nouveau souffle. La fintech — contraction de finance et technologie — bouleverse les règles du jeu. Ce secteur en pleine explosion a un pouvoir inattendu : celui de rendre la finance plus accessible, plus souple, plus humaine.

Des applications bancaires mobiles aux plateformes de microcrédit, en passant par les cryptos ou l’assurance collaborative, les innovations financières ne sont plus réservées aux élites. Elles parlent à celles et ceux que la banque avait oubliés. C’est là que l’inclusion commence.

L’inclusion financière, un défi mondial encore d’actualité

Des chiffres qui parlent

Selon le dernier rapport de la Banque mondiale (Global Findex 2021), près de 1,4 milliard d’adultes dans le monde n’ont toujours pas accès à un compte bancaire formel. Une partie non négligeable vit en Afrique, en Asie du Sud et en Amérique latine, mais l’exclusion financière touche aussi les pays développés. En France, environ 5 millions de personnes sont en situation de “fragilité bancaire”, selon la Banque de France.

Derrière ces chiffres, ce sont des vies freinées : pas de carte pour payer en ligne, pas de moyen d’épargner, pas d’accès au crédit, donc peu de chance de lancer un projet ou de sortir de l’informel. Et c’est là que la fintech, souvent via le smartphone, change la donne. Elle contourne les lourdeurs institutionnelles, va là où les banques ne vont pas, et redéfinit l’expérience utilisateur.

La révolution mobile : quand un téléphone remplace une banque

Le cas emblématique de l’Afrique

Le continent africain est souvent cité comme le théâtre d’une révolution silencieuse. Là où les agences bancaires sont rares, le mobile est devenu le nouvel outil financier de masse. Le service M-Pesa, lancé au Kenya en 2007, a été un véritable tournant : il permet aux utilisateurs de transférer de l’argent, de payer leurs factures ou d’épargner depuis un simple téléphone — même sans smartphone.

Aujourd’hui, plus de 400 millions de comptes de mobile money sont actifs en Afrique subsaharienne. Cette révolution a permis à des populations entières d’entrer dans une économie numérique sans passer par le modèle bancaire classique.

Et ce modèle inspire le monde. En Asie, des applications comme Gojek ou Paytm mixent services de paiement, cashback, crédit et épargne pour des populations jeunes, connectées, mais peu bancarisées. L’idée ? Simplifier, désintermédier, autonomiser.

Microcrédit, assurance inclusive et crypto : les nouveaux outils

Diversité des services, même objectif : inclure

La fintech ne se limite pas aux néo-banques stylées. Elle touche toute la chaîne des besoins financiers, avec des modèles parfois très inventifs :

  • Le microcrédit digitalisé, comme celui proposé par Kiva, Tala ou Yoco, permet à des petits entrepreneurs, notamment des femmes, d’obtenir un financement rapide, sans paperasse ni collatéral.
  • L’assurance peer-to-peer, telle que portée par Lemonade ou des insurtech africaines comme Turaco, propose une couverture low-cost, à la demande, et souvent communautaire.
  • Les cryptomonnaies, malgré leur volatilité, offrent un moyen de contourner les systèmes bancaires instables ou corrompus. En Argentine, au Nigeria ou au Venezuela, elles servent parfois de refuge financier, de mode de paiement ou d’épargne.

L’inclusivité ne réside pas seulement dans l’offre, mais dans la capacité de ces outils à s’adapter aux réalités locales : langue, niveau d’alphabétisation, niveau de connectivité, habitudes culturelles. Les meilleures fintechs sont celles qui écoutent avant de coder.

Design, UX et gamification : des interfaces qui parlent à toutes et tous

Quand la tech devient intuitive et éducative

Un des grands freins à l’inclusion financière, c’est la complexité. Formulaires incompréhensibles, jargon financier, interfaces vieillottes : autant d’obstacles pour les publics peu à l’aise avec la banque.

La fintech, elle, mise sur l’expérience utilisateur. Elle parle visuellement, guide pas à pas, gamifie l’apprentissage. Certaines apps affichent les économies comme des points à gagner. D’autres envoient des messages vocaux dans la langue locale pour expliquer comment épargner ou envoyer de l’argent.

C’est une approche radicalement nouvelle : pédagogique, accessible, inclusive. Là où la banque “classique” attend un client qui sait déjà comment ça fonctionne, la fintech accompagne, initie, simplifie.

Des défis restent à relever

Si le potentiel inclusif est immense, tout n’est pas rose. L’accès au smartphone et à internet reste inégal, la cybersécurité pose question, l’éducation financière reste essentielle. Par ailleurs, la promesse de l’inclusion peut aussi masquer des logiques extractivistes ou de surveillance algorithmique, notamment dans les services de crédit instantané.

Il faut donc penser une fintech éthique, régulée, mais audacieuse. Une fintech qui ne remplace pas le système bancaire traditionnel, mais le complète intelligemment, en ouvrant des passerelles vers plus d’équité.

Et maintenant, que change-t-on vraiment ?

La question n’est plus de savoir si la fintech va transformer la finance, mais comment elle le fait, et pour qui. Elle ne doit pas devenir un énième secteur pour investisseurs de la Silicon Valley, mais un outil de justice économique, de réappropriation, d’indépendance.

Dans les zones rurales d’Inde, dans les quartiers populaires de Buenos Aires ou sur les marchés de Dakar, une nouvelle manière de penser la finance émerge, portable, flexible, centrée sur les usages réels. Et c’est peut-être dans ces marges que s’écrit l’avenir de la finance mondiale.